Ose nommer la fissure invisible...quand tu craques sans bruit
- Mylene Guilbert
- 23 sept.
- 4 min de lecture

Le bruit qu’on n’entend pas
On entend beaucoup parler du "quiet quitting". Ce phénomène où l’on fait le strict minimum, sans quitter officiellement son poste. Il fait couler de l’encre, soulève des débats, déclenche des jugements.
Mais il existe un autre glissement, plus discret, plus silencieux encore. Un effritement intérieur, invisible aux yeux des autres, parfois même à nous-mêmes.
On l’appelle le "quiet cracking".
Ce n’est pas une démission. Ce n’est pas une rébellion. Ce n’est même pas un choix. C’est un effondrement lent, insidieux, qui ne fait pas de bruit. Un désengagement émotionnel qui s’installe peu à peu, sans qu’on l’ait vu venir. Et si tu es en train de le vivre, il se peut que tu continues d’avancer, de livrer, de sourire… sans jamais en parler. Parce que toi-même, tu n’as pas encore trouvé les mots.
Tu fonctionnes, mais tu t’éteins
Tu arrives au travail. Tu fais ce qu’il y a à faire. Tu es présente aux réunions, tu réponds aux courriels, tu coches les cases. Mais plus rien ne t’anime. Ce qui te motivait autrefois a perdu de sa couleur. Tu n’es pas en détresse. Tu n’es pas en burnout. Tu es en veille. Et cette veille prolongée finit par t’épuiser plus que tu ne le crois.
C’est peut-être ça, le plus dur à reconnaître : tu fonctionnes encore. Tu n’as pas cessé d’être professionnelle, rigoureuse, impliquée. Mais tout semble plus lourd. Plus flou. Tu ne te reconnais plus dans ton propre rythme. Ce n’est pas un grand choc. C’est une fissure, fine, discrète, mais constante. Une érosion lente de ton feu intérieur.
Ce que les autres ne voient pas
Je me souviens d’une femme que j’ai accompagnée en coaching. Leader dans une grande entreprise technologique, elle arrivait à tout concilier en apparence : performance, responsabilités, famille. Elle ne manquait jamais une échéance, soutenait son équipe avec rigueur, et offrait toujours un visage calme et professionnel. Mais au fil des rencontres, une fatigue plus sourde est apparue. Elle me disait : « Je ne sais pas ce qui m’arrive. Je fais tout ce que j’ai toujours fait, mais je ne ressens plus rien. Je suis là, mais pas vraiment. »
Elle ne s’était pas arrêtée. Elle n’était pas en crise. Mais elle ne trouvait plus de sens. Elle continuait… par habitude, par loyauté, par peur aussi.
C’était exactement ça, le quiet cracking. Une lente déconnexion de soi, masquée par une efficacité irréprochable. Ce n’est qu’en mettant des mots sur ce qu’elle vivait qu’elle a pu commencer à reprendre contact avec ce qui comptait vraiment pour elle.
Le "quiet cracking" ne se voit pas de l’extérieur. Il se glisse entre les interstices de ton quotidien. Il prend racine dans l’écart entre ce que tu vis et ce que tu montres. Tu donnes le change. Tu souris, tu dis que ça va, tu continues. Et plus personne ne pose de questions. Parce que tu as toujours été solide. Forte. Fiable. Jusqu’à en devenir invisible dans ta propre fatigue.
Une fatigue qui dépasse l’épuisement
Cette fatigue-là ne se règle pas avec une journée de congé ou un massage. C’est une fatigue de fond. Celle qui s’installe quand tu ne sens plus ta place. Quand tu as l’impression de contribuer sans impact. Quand tu ressens un vide, même dans les accomplissements. Tu as l’impression de perdre pied doucement, sans chute, sans drame, mais sans ancrage non plus.
Une culture qui épuise en silence
Il faut dire que notre culture de performance entretient bien ce type de fissure. On valorise celles qui donnent toujours plus. Qui encaissent. Qui s’adaptent. On célèbre la résilience, mais rarement les limites. On te félicite quand tu tiens bon, même si tu es en train de t’éteindre. Et dans ce climat où la productivité compte plus que la présence, il devient presque normal de se taire, même quand ça craque de l’intérieur.
Mais ce n’est pas normal. Et ce n’est pas tenable.
Mettre des mots sur ce qui craque
Nommer cette fissure est déjà un acte de courage. Refuser de banaliser ce désengagement progressif, c’est refuser de devenir spectatrice de sa propre vie. Il ne s’agit pas d’un caprice ou d’un manque de volonté. Il s’agit d’un signal. Un appel à se réancrer. À reprendre contact avec ce qui nous anime, ce qui nous porte, ce qui nous fait vibrer.
Retrouver son centre
Ce retour vers soi commence par des questions. Pas celles qu’on nous pose en entrevue de performance. Des vraies questions :
Qu’est-ce qui m’éteint ?
Qu’est-ce que je tolère que je ne tolérerais pas si j’étais pleinement moi-même ?
Où est-ce que je m’oublie ?
À quoi ressemblerait ma vie si je me remettais au centre ?
Tu n’as pas besoin d’avoir toutes les réponses maintenant. Tu as besoin d’un espace où tu peux les chercher sans pression. Un espace où tu peux être entendue, sans devoir performer. Un espace où tu peux respirer, déposer, reconnecter.
Tu as le droit d’être entendue
Parce qu’on n’a pas besoin de s’effondrer pour demander de l’aide. Parce que tu n’as pas à porter seule ce que tu vis. Parce que ce que tu ressens est valide. Et parce que ton feu intérieur mérite d’être ravivé. Et que c’est possible d’en sortir, sans attendre le point de rupture.
Tu as le droit d’être entendue, même si tu ne cries pas. Tu as le droit d’être fatiguée, même si tu fonctionnes encore. Tu as le droit de vouloir mieux, même si tout semble "correct" en surface.
Et si tu veux en parler, je suis là.
Mylène