Ose ralentir – Quand la précrastination devient le nouveau mode d’épuisement silencieux
- Mylene Guilbert
- 20 oct.
- 4 min de lecture

Elle a déjà vidé sa boîte courriel avant même d’avoir pris sa première gorgée de café. Répondu aux messages, organisé la réunion, préparé le dîner du soir dans sa tête.
Il est 9 h 07, et pourtant, elle a déjà le souffle court.
Elle n’a rien remis à plus tard. Et pourtant, elle est fatiguée.
Faire tout, tout de suite pour ne plus y penser
La précrastination, c’est ce besoin presque viscéral d’accomplir une tâche immédiatement, non pas par passion ou par efficacité, mais pour s’en libérer mentalement. Comme si le simple fait de savoir qu’il reste quelque chose à faire pesait trop lourd.
On la confond souvent avec la productivité. Mais c’est une illusion. Car derrière le mouvement rapide, il y a une peur tranquille : celle de ne pas être à la hauteur, de laisser traîner, de décevoir.
Chez beaucoup de femmes, ce réflexe s’est glissé si subtilement qu’il est devenu un mode de vie. Répondre avant qu’on nous relance. Prévoir avant qu’on nous demande. Agir avant qu’on ait le droit de souffler.
L’empreinte invisible de la charge mentale
La précrastination est une cousine discrète de la charge mentale. Cette tension de fond qui pousse à tout anticiper : la liste d’épicerie, la réunion du lundi, le cadeau de la prof, la facture Hydro, le suivi client. Tout est dans la tête, tout le temps.
Et la seule manière de soulager cette pression, c’est d’agir. Vite.
Ce n’est pas de la désorganisation. C’est un mécanisme de survie. Une façon d’éviter que la boule d’anxiété grossisse. Parce qu’enfin, une fois la tâche faite, on se dit : « ouf, c’est réglé ».
Mais cette paix d’esprit ne dure jamais. Parce qu’aussitôt, une autre tâche vient frapper à la porte.
L’héritage du « sois parfaite »
Pour beaucoup de femmes, la précrastination s’enracine dans quelque chose de plus profond : la peur d’être perçue comme lente, distraite ou désinvolte. Depuis toujours, on nous félicite pour notre efficacité, notre sens de l’organisation, notre capacité à tout gérer.
Mais à force de vouloir mériter ces compliments, on s’enferme dans un modèle impossible. Réagir vite devient une preuve de valeur. Ne rien laisser traîner, une forme de loyauté. Tout anticiper, une manière de se faire aimer.
Et petit à petit, l’action devient une armure. On bouge pour ne pas sentir. On agit pour ne pas flancher. On s’épuise en silence, persuadée que c’est ça, être forte.
La fatigue des femmes qui tiennent tout
Le problème, c’est qu’en voulant alléger la charge, on finit souvent par l’alourdir. Car tout faire tout de suite, c’est aussi multiplier les microdécisions, couper le lien avec la réflexion, vivre dans une urgence constante qui n’a plus rien à voir avec la vraie urgence.
La précrastination vide l’esprit autant qu’elle le remplit. Elle donne l’impression d’être efficace, alors qu’elle nous vole notre discernement. On agit sans se demander : est-ce nécessaire, est-ce utile, est-ce le bon moment ?
Et si on laissait le temps respirer ?
Ralentir n’est pas un signe de paresse. C’est un acte de courage. Celui de ne pas céder à l’appel du « tout de suite ».
Essaye, juste pour voir.
Laisse un courriel non lu jusqu’à demain. Dis-toi que tout n’a pas besoin d’être réglé avant midi. Respire avant de répondre. Fais confiance à ton futur toi, elle saura gérer quand ce sera vraiment le moment.
Parce que parfois, ce que tu crois être de la rigueur, c’est simplement de la peur déguisée. Et ce que tu appelles « garder le contrôle », c’est peut-être ce qui t’empêche de te sentir libre.
Oser ralentir, c’est oser exister
On parle souvent d’apprendre à dire non. Mais on oublie d’apprendre à dire « pas maintenant ». À laisser les choses mûrir, se déposer, se clarifier avant d’agir.
C’est dans cet espace, entre l’intention et l’action, que renaît la lucidité. L’intuition. La vraie efficacité.
Alors oui, ose ralentir. Ose résister à cette petite voix qui dit « fais-le tout de suite sinon tu vas oublier ». Ose croire que tu n’as rien à prouver à la vitesse du monde.
Parce qu’en réalité, tu n’as pas besoin d’aller plus vite. Tu as besoin d’aller plus juste.
Questions pour réfléchir
Qu’est-ce que j’essaie d’éviter en agissant tout de suite ?
Est-ce que je veux vraiment régler cette tâche, ou juste me débarrasser du poids mental qu’elle représente ?
Que se passerait-il si je la laissais reposer un peu ?
À quel moment ma rapidité devient-elle une fuite ?
De quoi ai-je peur quand je ne fais pas tout immédiatement ?
Et si je donnais la même bienveillance à ma lenteur qu’à mon efficacité ?
Ralentir pour mieux se retrouver
La précrastination donne l’illusion du contrôle. On avance, on coche, on anticipe. Mais souvent, on ne fait que fuir le vide. Ce vide pourtant essentiel, celui où naissent la clarté et la justesse.
Ralentir, ce n’est pas perdre du temps. C’est reprendre possession de soi. C’est s’autoriser à être là, entière, sans l’urgence de tout régler. C’est choisir la présence plutôt que la performance.
Tu n’as pas à mériter ta paix par ta productivité. Tu peux t’accorder le droit d’attendre, de respirer, de faire les choses à ton rythme. C’est là que la puissance tranquille s’installe : dans le moment où tu décides que ton énergie compte plus que ta to-do list.
Alors aujourd’hui, ne fais pas plus. Fais, mais avec conscience.
Et si tu sens que cette course contre le temps t’éloigne de toi-même, viens qu’on en parle.
En coaching, on apprend à ralentir sans culpabilité, à remettre du sens dans le mouvement, à retrouver cette confiance que tout n’a pas besoin d’être fait maintenant pour avancer vraiment.
Mylène

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